jeudi 25 novembre 2010

La série « DES PAYSEMENTS » d'Eric Bouttier


© Photo Eric Bouttier



Les photographies de voyages intitulée « DES PAYSEMENTS » d'Eric Bouttier ont réalisée avec un appareil en plastique doté de 4 objectifs (proche de l'Action Sampler commercialisé par la lormographie). Des extraits du septième volet (un trajet de 6 mois en transports en commun entre Paris et Beyrouth réalisé cette année) ont étés montrés à Paris-Photo sur le stand de la galerie du jour / agnès b.

Il utilise, parallèlement à ce travail, un autre appareil-jouet, un faux panoramique 24x36 cm, avec lequel il a réalisé une série en couleurs sur la fin de l'enfance qui a la forme d'un diaporama sonore de 11 minutes, « Les Temps calmes », (il travaille actuellement sur sa suite, « Le Voyage incertain »).

« DES PAYSEMENTS est une exploration esthétique sur la photographie de voyage, une esquisse sensorielle sur la sensation d’être étranger au monde, sur cet état du voyageur pour qui le regard porté sur chacun de ces territoires est neuf, inédit. Cette série compte 6 volets à ce jour. Chaque territoire (La Paz, Beijing-Shanghaï, St Petersburg, la Slavonie, Mayotte, Hong-Kong) découvert - toujours pour la première fois - est appréhendé comme un chapitre à part entière: à chaque voyage, son propre mode d’être au monde. Ce sont des paysages qui sont uniquement traversés (il n’y est jamais question d’immersion): inconnus, entre aperçus, non appropriés, et déjà passés. Les photographies sont faites le plus souvent dans ce mouvement incessant, dans cette temporalité de l’immédiateté propre au voyage. De cette vision chaotique de territoires insaisissables découle une succession d’images qui sont ainsi les instantanés de cette première impression, brute et directe.

Par la déconstruction de l’image qu’il opère, l’appareil lomographique (appareil – jouet muni de quatre objectifs) s’est imposé comme le moyen photographique privilégié afin de retranscrire ces différentes sensations. Sa maniabilité, qui permet d’être toujours dans l’instant et le mouvement, induit un rapport immédiatement physique de retranscription. Il propose également une séquence fragmentée d’images qui s’intercale entre l’unicité de l’image photographique et le défilement cinématographique – ce n’est plus 24 images par seconde, mais 4 images sur 2 secondes. Le regroupement des quatre images en une seule joue sur la répétition, l’étirement spatial et temporel d’un même motif, comme une pause, ou au contraire sur la confrontation: les accidents, la déconstruction, la reconstruction. Comme en un long travelling horizontal, les séries se construisent sur le rythme accidenté d’une image chassant l’autre.

De la même façon que DES PAYSEMENTS se saisit d’une technique spécifique – quatre images en une - afin de rendre compte d’une vision chaotique, fragmentée, D’ICI (vidéo d’après film super-8, 8 mn, 2007) utilise le medium du Super-8 comme instrument de mémoire des lieux de l’enfance. Kerhouarn, Mériadec : une petite parcelle du Morbihan, en Bretagne, territoire d’origine, dépositaire d’un passé familial collectif. Chaque retour aux sources voit resurgir les mêmes rituels, les mêmes petites cérémonies, et réactive les mêmes images, déclenche les mêmes réminiscences. A la lisière du passé et du présent, "D’ici" entend cartographier les traces actuelles du souvenir dans ce territoire qui demeure étrangement inchangé, comme si le temps y glissait sans le transformer.

Travail sur le temps, sur les ruptures entre épilepsie et contemplation, saccades et ponctuations, le défilement des images, rapide, saccadé et répétitif, évoque les pages d’un album de famille que l’on tournerait trop rapidement. Entre essai documentaire et film expérimental, un labyrinthe d’images arrachées au flux de la mémoire se dresse alors, prenant comme fil conducteur la figure tutélaire de ma grand-mère, et mène le spectateur vers des paysages à la fois rêvés et remémorés.

Utilisation d’un appareil jouet (DES PAYSEMENTS), films Super-8 (D’ici): ces techniques low-tech sont choisies tant pour leur relative simplicité et maniabilité, qui permet d’être dans une plus grande spontanéité, que pour leur aspect amateur et les pratiques collectives et populaires qui y sont liées. Il s’agit toujours de chercher à capter l’instant dans son émotion la plus intense; pour reprendre le titre d’un film du cinéaste expérimental Jonas Mekas: ˜ As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty ˜.

Ces travaux correspondent également à une certaine forme d’intimité : ˜D’ici ˜, le travail le plus ancien, le plus directement intime, est une archéologie de l’enfance répondant à la question fondamentale du territoire d’origine. A la répétition rassurante et obsessionnelle d’un même motif (le territoire d’origine, l’enracinement du quotidien) répond la fragmentation spatiale des mondes inconnus, des territoires voyagés. A l’évidence tellurique de la terre bretonne répondent les errements, les pertes et les déroutes fragmentaires à l’œuvre dans DES PAYSEMENTS. »

(Eric Bouttier)


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