mercredi 2 mars 2011

« SANS OPTIQUE », par Judith Baudinet


© Photo Judith Baudinet,
« Portrait de chantier Champs Ronds, Massy 2009 » 
(115 x 105 cm )





« Je ne prévois pas. J’explore. Je ne sais rien.
Ma seule constante est la méthode, la technique, 
le processus, la réaction chimique.
La vie est mon laboratoire. Je m’y rends les mains nues.
Quitte à me blesser ou manquer d’hygiène. 
Elle est là ma légende. 
Et c’est celle-là la trace. Une brûlure de contact.
Ce que je donne à voir, c’est cette cicatrice.
Un souvenir aux bords indéfinis et à la couleur sale.
Sans optique, ni viseur. Je cadre dans ma tête. 
Une vue de l’intérieur.
Jamais vraiment certaine que la photo soit faite, 
que la chose ait eu lieu.
Tant d’images vues, rêvées, jamais élucidées. 
Tant de révélations après le développement. 
Temps. Lumière. Air qui passe. 
Moments de lucidité.
Avec ma boîte de conserve comme appareil-photo : 
c’est 20 secondes au moins pour prendre seul un cliché. 
Un nuage glisse, tout est changé.
Pénétration d’indices jamais perçues par l’œil.
Photos d’aveugle, 
puis vision qui se recouvre au gré de la chimie.
J’accouche le papier autant qu’il me féconde.
Par-delà la mémoire, de ce tout petit trou, 
de cet énorme ventre.
En dehors des milieux, mais collant à l’Histoire.
Ouvrir la brèche, l’impact de la balle : une fenêtre.
Il faut bien que l’air et la lumière passent. 
En dehors de tout contrôle et de toutes théories. »


(Judith Baudinet – 2009/2010)

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