« # 207, 2009 » (photophonie)
http://www.ens-louis-lumiere.fr/fileadmin/pdf/memphotolevi08.pdf
Il y a eu, comme me l'a raconté Bruno, si importante dans ce voyage effectué avec sa femme et leurs deux fils (ces garçons qui sont devenus depuis ce séjour aussi familial qu'initiatique tellement férus, non pas de photo, mais de rock et de guitare électrique !...), la rencontre avec cette ville fantôme, désertée par ses habitants... ces architectures victoriennes en bois semblent, au crépuscule, toujours hantées par Norman Bates (incarné par l'inoubliable Anthony Perkins dans Psycho - 1960 - d'Alfred Hitchcock).
En tout cas, le demain matin, les spectres ont disparu (je songe aussi au film Invasion of the Body Snatchers de Don Siegel, 1956). Mais la demeure, vidée peut-être de son inquiétant potentiel, est toujours là, squelette de bois... Que contient-elle, annonce-t-elle ? S'agit-il d'un refuge possible ou au contraire une menace ?...
Un étrange voile de lumière, comme un calque translucide, semble parfois recouvrir cet univers visuel si explicitement référencé, aussi, à la peinture d'Edward Hopper.
© Photo Patrick Galais, de la série « En longeant les choses, 2004 »
Un autre voyage photographique, non pas en train, mais cette fois à bicyclette, auquel j'avais consacré un texte en 2004. Avec celui de Patrick, en voici un extrait ...
« en longeant les choses -Aout 2004.
Cette route à prendre est bordée d'espaces humains, parfois mutilés, qui nous concernent et nous regardent. Je sais que ce ne sera pas une "enquête" sur le paysage ou les espaces péri-urbains en mutation, et que ces espaces parfois vides, ou à l'abandon temporaire ne sont pas déshumanisés pour autant. Après le reportage et l'ailleurs, l'architecture, le rapport à l'autre dans le portrait, à la présence humaine dans les longs temps de pose du sténopé, je cherche encore, peut-être prétentieusement, mon humanité photographique dans cette humanité là. Les 2400 km accumulés seul à vélo, la tête reliée au pédalier vont faire office de machine à visionner, à laver des images et des pensées nombreuses, joyeuses ou douloureuses. Les images réalisées pendant ces trois semaines m'ont par la suite laissé perplexe quelques temps, sans yeux pour les voir ni voix pour les dire. Je ne les reconnais pas. L'errance a bien fait son effet... Il me faudra comprendre ces images, cette errance. Au delà de cette quête, cet état des choses et des lieux parle d'un monde qui perd parfois de sa compréhension, de sa poésie visible. Un monde qui ne sera plus pareil. Le temps de l'engagement-photographie m'apparait de nouveau... Le paysage était jusqu'alors pour moi l'innocence du regard retrouvée. J'aimerais bien y croire encore, sans m'y attarder.
Patrick Galais, 2004. »
« en longeant les choses
En longeant les choses, un road-movie photographique à la française, accompli avec cette mythique et sympathique bicyclette, à laquelle nous nous identifions tant dans ce pays : du facteur de Jaques Tati au Tour de France, ce moyen de locomotion évoque aussi dans notre mémoire des images lumineuses d'après-midi d'été, la transparence de fragments d'enfance où le paysage défile lentement. Ce voyage en images fixes est par ailleurs référencé à des signes vernaculaires hérités de la photographie et du cinéma américain qui font désormais partie du lexique visuel classique de tout photographe. [...] Faisant semblant de seulement longer les choses et de ne pas entrer dans le vif du sujet, Galais aborde en réalité frontalement, l'air de rien, les questions fondamentales de l'enregistrement du temps et de l'espace en photographie. Avec la sereine désinvolture du flâneur, là ou d'autres consacrent des essais parfois abscons à cette problématique, il préfère se promener à bicyclette dans un temps ralenti et dans l'espace photographique étiré.
Yannick Vigouroux, mars 2005. »
Après avoir multiplié pendant deux ans les prises de vue à l'aide de téléphones mobiles et de sténopés numériques, j'ai récemment ressenti le besoin, tout en en poursuivant ces expérimentations, de renouer avec une photographie plus « sérieuse ».
Afin de faire de la photo argentique piquée et nette, j'envisage de faire réparer un boîtier moyen format délaissé depuis des années, et j'ai fait l'acquisition d'un boîter semi-amateur (ou semi-pro ?) : un Canon PowerShot SX110 IS. Je tiens à ce genre de précision (même si c'est sur un mode un peu ironique). Comment faire totalement le deuil de plus de 150 ans d'utopie techniciste ? Feuilleter, comme je l'ai fait récemment, un catalogue décrivant les caractéristiques techniques des derniers appareils numériques, toujours plus performants, je trouve cela aussi aussi fastidieux que de me plonger dans une revue consacrée aux automobiles, ou à l'informatique. Dimensions, ergonomie, vitesses etc., autant de termes communs aux différents catalogues et revues... Pourtant, et comme mon père m'avait demandé de le conseiller pour l'acquisition de deux appareils compacts destiné à mon frère et à ma soeur, je me suis plié à l'exercice... Moi qui aime tant malmener les conventions, voir arracher l'optique d'un appareil pour en faire un sténopé, j'ai décidé de redevenir quelque temps un praticien conventionnel voire délibérément ennuyeux. Un « bon élève ».
Mais rien n'y fait : à l'occasion d'un voyage en train entre paris et Caen à Noël, les images du magnifique Train de lumière de Bernard Plossu (éditions Yellow Now, 2001), j'ai multiplié, alors que nous traversions la campagne normande enneigée, les vues floues, fasciné par les métamorphoses que j'obtenais en jouant avec les reflets dans les fenêtres et la fluide déstructuration du paysage...