jeudi 5 mai 2011

« Trapani, juin 2011 », ou le hasard bienveillant (2) ?



© Photo Yannick Vigouroux, « Trapani, Sicile, juin 2011 »
(Box 6x9 + pellicule Ilford FP 4 périmée)





Quelle déconvenue, tristesse de découvrir cette pellicule au grain étrange inégalement réparti, marbré. Il ne s'agissait pas de réticulation, mais d'autre chose. C'est vrai que j'ai utilisé en Sicile, comme souvent, en partie de la pellicule noir et blanc périmée depuis... 1990. Mais jusqu'à présent je n'avais pas rencontré de problème. Ces vues réalisées il y a presque un an auxquelles je tenais tant, étaient-elles définitivement perdues ? J'en ai parlé à un ami photographe, bien meilleur technicien que moi, car, faire de la Foto Povera d'accord, accepter les accidents inhérents au manque d'étanchéité des boîtiers, d'accord, mais il ne s'agit pas de faire n'importe quoi non plus, et n'importe! Mais Didier, non sans humour, m'a fait cette réponse belle et juste : « [concernant] la photo "à grains'', cela ne me dérange pas, on dirait, la mer étant à coté, que la pellicule est tombée dans l'eau et que cette eau en séchant a déposé ses grains de sel (et non pas d'argent!) ».

Le hasard bienveillant, une fois de plus (comme le regard de cet ami) ? …


A propos du « hasard bienveillant » :

samedi 30 avril 2011

« Vers Capri, 2003 »


© Photo Yannick Vigouroux,
« Vers Capri, fév. 2003 »
(Box 6x9)




Un voyage lent, en bateau, dans la baie de Naples, vers cet île idéalisée. Une vision fluide et pourtant figée, et ce sentiment de voir mieux, en tout cas autrement, malgré les vitres sales et l'eau qui les éclabousse...

Le titre du texte que Christian Gattinoni consacra à mes « Littoralités » en 2002, s'intitulait « Le lent cinéma d'une archéologie prospective. » J'aime ce titre et son rythme, de plus en plus.

La fenêtre-appareil de vision a quelque chose en effet d' « archéologique », d'une ruine en mouvement (derrière moi, Herculanum et Pompei sont à quelques km de là...), vivante.

Jeux d'opacités et de transparences, de silences et de bruits mécaniques et liquides, cristalisés dans la pellicule.

Un temps et un espace à part, que ma petite box 6 x9 me semble générer, une box litéralement « magique » comme l'Agfa Box de Günther Grass (Cf. son roman éponyme publié en 2010).

Je lis beaucoup en ce moment Jean Dubuffet : « Que le tableau se fasse d'un bloc et d'un seul élan. Pas de rapiècements, donc, ni plus de retouches qu'à une céramique refoidie. Laisser tous les manques et les défauts. » C'est ce dont je rêve en photographie, et dans tous les domaines d'expression.

mercredi 2 mars 2011

« SANS OPTIQUE », par Judith Baudinet


© Photo Judith Baudinet,
« Portrait de chantier Champs Ronds, Massy 2009 » 
(115 x 105 cm )





« Je ne prévois pas. J’explore. Je ne sais rien.
Ma seule constante est la méthode, la technique, 
le processus, la réaction chimique.
La vie est mon laboratoire. Je m’y rends les mains nues.
Quitte à me blesser ou manquer d’hygiène. 
Elle est là ma légende. 
Et c’est celle-là la trace. Une brûlure de contact.
Ce que je donne à voir, c’est cette cicatrice.
Un souvenir aux bords indéfinis et à la couleur sale.
Sans optique, ni viseur. Je cadre dans ma tête. 
Une vue de l’intérieur.
Jamais vraiment certaine que la photo soit faite, 
que la chose ait eu lieu.
Tant d’images vues, rêvées, jamais élucidées. 
Tant de révélations après le développement. 
Temps. Lumière. Air qui passe. 
Moments de lucidité.
Avec ma boîte de conserve comme appareil-photo : 
c’est 20 secondes au moins pour prendre seul un cliché. 
Un nuage glisse, tout est changé.
Pénétration d’indices jamais perçues par l’œil.
Photos d’aveugle, 
puis vision qui se recouvre au gré de la chimie.
J’accouche le papier autant qu’il me féconde.
Par-delà la mémoire, de ce tout petit trou, 
de cet énorme ventre.
En dehors des milieux, mais collant à l’Histoire.
Ouvrir la brèche, l’impact de la balle : une fenêtre.
Il faut bien que l’air et la lumière passent. 
En dehors de tout contrôle et de toutes théories. »


(Judith Baudinet – 2009/2010)

dimanche 13 février 2011

Le sténopé en quelques mots (camera obscura & écriture littéraire)...



© Yannick Vigouroux, « 20 sept. 2007 »
(sténopé numérique / Digital Pinhole)





L'on m'a proposé cette année plusieurs interventions et commissariats (en Bretagne pour commencer, à l'Université Rennes 2 puis l'artothèque de Vitré) sur le sténopé, auxquels j'aurai le plaisir d'associer plusieurs amis (Judith Baudinet, Patrick Galais, Collectif Oscura, inesdelaisla, Catherine Merdy, Guillaume Pallat...) qui le pratiquent sous sa forme argentique (je ne le pratique depuis 2007 que sous une forme numérique) avec talent et de manière non convenue... Outre le visionnage de leurs photos, mon travail préparatoire me conduit, entre autres, à reprendre la lecture interrompue il y a plusieurs mois d'un livre d'Anne-Marie Garat, où processus de fabication de fiction littéraire et magie de la camera obscura matricielle, se confondent, une fois de plus :


« On dirait que le papier peint présente, à cet endroit, une zone plus claire. Est-ce un reflet du miroir qui, captant la lumière incidente, renvoie de la pièce une image inversée, un peu plus pâle que la réalité, dont le voisinage contamine l'endroit ? Ou bien le reflet terne du jour sur le marbre de la commode dont l'ombre portée donne, par contraste, plus de clarté à cette place. »

(Anne-Marie Garat, István arrive par le train du soir, Editions du Seuil, 1999, p. 148)