lundi 17 novembre 2008

« Redevenons BIBI FRICOTIN !!! (Photos faites à l’Agfamatic, “pour enfants”) », par Bernard Plossu (1970)


Photo Bernard Plossu, « Saint-Nizier, Dauphiné, 1971 » (Agfamatic),
extraite du livre Nuage Soleil, éd. Marval, 1994, p. 22







Bernard Plossu a retrouvé récemment un texte qu’il a rédigé en 1970, et je suis très heureux de le publier sur ce blog, presque quarante plus tard… Il est très émouvant pour moi, à bien des égards : d'abord parce qu'il est inédit ; ensuite parce que je suis né cette année-là, j’étais donc un enfant ; pendant les années à venir, mes parents vont beaucoup utiliser, dans un cadre familial, Agfamatics et Instamatics.

Comme je l'ai confié dans un e-mail à Bernard :

«Sais-tu que je suis... né en 1970 ! Les années qui ont suivi, j'étais fasciné par l'Instamatic (je l'ai toujours) qu'utilisait mon père, pour me photographier avec ma petite soeur, Gwenaëlle ; fasciné aussi par ce Flash Cube aveuglant. J'ai pris ma première photo en 1977 avec : elle montre mon père, que j'accompagnais sur un chantier ce jour-là, cueillant un blanc bouquet d'aubépines pour ma mère dans une haie ; il venait de me confier l'appareil en m'intimant de ne "surtout pas déclencher "- j'ai fait le contraire bien sûr ! Ma première photo est née d'un désir de transgression... »

En ce début de décennie, Nancy Rexroth réalise les premières photos de sa série « Iowa », avec un Diana en plastique (sa « machine à poésie ), et bien sûr, Bernard décide de faire des photos à l’Agfamatic à des fins artistiques.

C’est aussi la décennie des dernières photos de Walker Evans, prises avec un Polaroïd SX-70, des Polaroïds en noir et Blanc de Robert Frank, qui gratte la gélatine pour y inscrire des mots ou des phrases très simples…






« Photos faites à l’Agfamatic, “pour enfants”, c’est-à-dire une “technique enfantine”…

Rien à régler, on met juste sur le petit dessin de “nuage” ou de “soleil”.

Un rêve ! En fait d’enfantin, ce sont les appareils les plus révolutionnaires ! Pensez, il n’y a même plus à régler, il suffit d’appuyer : on peut photographier avant même qu’on ait eu le temps de se demander si on allait prendre la photo ou pas !

On a même plus le temps d’hésiter.

Plus rapide que du reportage !

La photo avec l’Agfamatic, ou tout autre Instamatic, permet d’aller plus vite que la pensée ; elle est la prise de vue à l’état de pure spontanéité, l’anti-Freud, l’anti-Sartre, elle fonce droit au but, elle libère totalement de la timidité, elle permet aussi de photographier en riant, en découvrant à nouveau le monde avec, justement, la naïveté, le bonheur, la fraîcheur et l’immédiateté d’un enfant.

Grâce à la simplicité extrême de ce jouet de l’image, nous nous libérons enfin de notre complexe d’être un photographe adulte : Redevenons BIBI FRICOTIN !!!

Et la photographie ainsi libérée de toute technique encombrante, devient enfin le cri photographique qui nous offre la liberté totale de voir, et d’aller plus vite que notre cerveau.

Enfin la vison retranscrite à son niveau le plus pur. »

(Bernard Plossu, 1970)



A lire aussi, cet entretien avec Bernard :

http://fotopovera.blogspot.com/2008/04/entretien-avec-bernard-plossu-paris.html

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